Je te présente mes excuses, parce que tu as l'air de croire que je m'acharne sur toi, alors que ce n'est pas du tout le cas. Par contre je te lis entièrement, sans diagonale. Tu me dis que je n'avais qu'à lire la fin de ton post pour te comprendre, eh bien je l'avais déjà fait :
heureusement que du bout des lèvres tu concèdes que "dans toutes la matières on apprend à réflechir", parce que j'allais vraiment me poser des questions
D'ailleurs tu dis que le "Baudelaire VS Newton" vient de moi, mais en fait c'est un 50 / 50 (tu peux demander au public, il sera d'accord) ; tu as convoqué monsieur pomme, j'ai convoqué monsieur fleur :
jeandoozz a écrit :
N'est-il pas terrible d'élever nos chérubins avec comme seuls modèles de pensée la physique newtonienne d'un côté et la mystique littérature de l'autre ?
Donc c'était sincèrement une incompréhension de ta position, qui m'a conduit à te poser un tas de questions. Tu l'avais d'ailleurs compris précédemment :
jeandoozz a écrit :
Non mais en fait je crois que tu comprends pas du tout mon positionnement (ou que je l'exprime mal) et que je comprends pas du tout le tien (ou que tu l'exprimes mal).
Avec ton dernier post, je comprends enfin mieux ta position. Je suis ravi que tu sois resté poli, parce que mon but n'est pas de te prêter ce que tu n'as pas. Je te jure que quand j'ai lu ce que tu écrivais, j'y ai lu ce qui a abouti à mon analyse qui t'a ensuite fort déplu. Maintenant que tu as pu plus expliquer, une nouvelle fois je suis désolé d'avoir mal analysé tes propos.
Seulement, tu concèdes largement que même cette explication est caricaturale. Et je suis bien d'accord avec ça, puisque si la "raison critique" est sortie d'une discipline, quelle qu'elle soit, elle est bonne à jeter !
Prenons le "raisonnement formel rigoureux". Bon ben en fait ce n'est pas mathématique, c'est philosophique à la base. Un outil d'argumentation en fait même. Le bien connu "tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel". C'est sûr qu'on le retrouve à l'école plus dans le raisonnement mathématique (on est dans un cas particulier de tel théorème, donc puisque ce théorème est toujours vrai dans telles conditions, j'ai le droit de l'utiliser dans ces conditions particulières), mais en fait il tient plus à l'argumentation / la démonstration qu'aux mathématiques. Et être rigoureux dans tes raisonnements, tu en as besoin partout (je reprends ton ex. du commercial : pour convaincre ; parce que si ton interlocuteur se rend compte que tu dis de la merde, il te dit kthxbye et n'achète le produit que tu essayes de lui vendre)
Le subjectivisme, je ne sais pas ce que c'est, donc je ne peux pas en parler.
Mais la "raison critique", si par là tu entends "esprit critique", tu en as besoin partout, non ? Par ex. pour vérifier ton résultat en sciences (on te demande de calculer le rayon de la terre, t'as trouvé 34 cm ; on te demande de calculer le nombre moyen d'enfants par femme, t'as trouvé 154 (histoire vraie - qui n'a pas choqué l'élève ; mais à ce sujet je conseille "L'Âge du Capitaine" de Stella Baruk qui explique pourquoi le sens critique déserte parfois l'intérieur des murs d'une salle de maths)...), si tu oublies ton esprit critique, tu peux carrément oublier ce que t'es en train de faire. Tiens en info : j'optimise un code avec un petit truc à la con, j'obtiens un code deux fois plus rapide que le précédent. Au lieu de me dire "quel génie", je me dis plutôt "bon, j'ai dû faire un bug, une si petite optimisation ne peut pas être si bénéfique pour le programme, allons vérifier".
Alors j'entends bien ton argument de "y'a des thématiques pas abordées à l'école parce qu'elles ne sont pas au programme". Là dessus on ne peut qu'être d'accord. Mais j'y ai partiellement répondu dès ma première réponse. Parce que j'entends souvent l'argument :
"mais lol, aujourd'hui t'as pas vu qu'on est gouvernés par les algorithmes ? Comment tu veux que nos jeunes s'y retrouvent s'ils n'ont pas étudié l'informatique ?"
J'ai répondu qu'il me semble que si on t'apprend à réfléchir par toi-même, à avoir une capacité de réfléchir par eux-même, de remise en question de l'évident pour aller chercher plus loin... Eh bien on n'a pas besoin spécifiquement d'apprendre une chose technique. On sera capable tout seul sur de multiples sujets généralistes de se faire son opinion, à partir d'analyses contradictoires. Tu m'as dit que
jeandoozz a écrit :
ça, c'est un peu le principe des SHS. De la science en général, d'ailleurs
Et je crois que malheureusement, je ne comprends toujours pas pourquoi l'esprit critique, la prise de distance et la réflexion sont pour toi des choses qu'on apprend essentiellement en SHS et pas dans les autres disciplines. Je trouve que c'est transversal. On n'est peut-être tout simplement pas d'accord ?
jeandoozz a écrit :
si tu devais, aujourd'hui, construire sur une tabula rasa le programme du collège, quels arguments avancerais-tu pour exclure les SHS ? Le fait que le "français" c'est de la littérature donc on a le "H" ? Ou le fait que la philo ça suffit ? Comment dirais-tu à la sociologie, qui est une des SHS les plus anciennes et les plus en place que ses connaissances sur monde social n'ont pas leur place dans la tête des individus avant le bac (avant la première ES si tu veux...) ? Moi j'ai du mal à trouver de bon arguments, quand on sait à quel point (Darkent te le dira) la sociologie peut être émancipatrice pour l'individu.
Allez, tu n'as pas répondu mais je vais tenter de répondre. Tout d'abord, à l'école primaire, je commence par virer deux choses :
* les parents (bon sang, si le prof' de CP dit que ton gamin doit redoubler, c'est probablement parce qu'il doit redoubler : dans quel monde toi le parent tu déciderais ?)
* toutes les conneries qu'on a rajouté dans le style "oui mais il faut le faire à l'école" (je n'ai pas d'exemple précis car je n'ai jamais enseigné au primaire, mais je peux demander à mes collègues qui me donneront des tas d'ex. de trucs qui leur ont été rajoutés dans leurs programmes, et qui de fait leur font faire moins du reste, qui reste fondamental comme "bachibouzouk : apprendre à lire, pourquoi 20% des gamins en 6e ne savent pas lire correctement ?")
Une fois qu'on a viré tout ça, on peut éventuellement retirer les notes (pas trop d'avis tranché dessus, mais apparemment ça fait des ravages sur une partie non négligeable des gens, et ce n'est sûrement pas une bonne idée de mettre une forte pression à des mômes de 10 ans, je veux bien le croire) et re-mettre du travail à la maison (qui, contrairement à ce qu'on nous fait croire, n'est pas quelque chose qui va faire émerger les inégalités : c'est ne rien donner à la maison qui forge les inégalités, parce que comme dit précédemment, les mioches des CSP+, leurs parents leur diront d'aller lire les auteurs abscons et de mater des documentaires, quand ils ne seront pas avec eux au musée, et ce qu'il y ait des devoirs à la maison ou pas - donc ne rien donner à faire à la maison, c'est juste enfoncer encore plus les CPS-).
Maintenant que tout ce beau monde sait lire, on a miraculeusement plus d'opportunités qui s'offrent à nous au collège. Tout un pan des éducateurs qui doivent faire de la remédiation élèves décrocheurs peuvent juste faire des activités pédagogiques à la place. Et maintenant qu'on sait lire, on peut comprendre. On commence par doubler la dose d'histoire (fun fact, puisque tu parles de droit : à Nanterre, t'as un partiel d'histoire... ah mais non, y'a pas de cours d'histoire à la fac hein, tu te démerdes), puisque tu ne peux pas comprendre les enjeux actuels sans les mettre en perspective.
Et puis au lieu d'avoir des collèges avec 20 options et des collèges sans rien (je ne caricature pas, vraiment pas, et c'est pareil au lycée), tu rebats les cartes entre les collèges et les lycées, et c'est une option obligatoire pour tous. Fini le "nan mais pfff je vais pas faire latin t'as vu, c'est nul ça me fait finir à 16h au lieu de 15h le mardi". Tu prends ton option, et c'est tout : et là, si tu veux mettre ta socio, j'ai pas de problème. Tu mets ton latin, ta socio, ta 3e langue vivante, ton club d'échecs, de bridge, de théâtre, tu mets tout, t'as 3h par semaine, et chaque gamin doit choisir un truc. Il me semble que ça a plus de gueule que ces conneries d'EPI (non, ce n'est pas du blé, ce sont des Enseignements Pratiques Interdisciplinaires). Parce que la blague avec les EPI, c'est que les profs sont obligés de travailler ensemble. Même ceux qui ne s'aiment pas. Bonjour l'ambiance... si dans un collège, y'a deux profs voire trois qui veulent se mettre ensemble pour faire une option, mais ok pas de pb. Mais l'imposer à tous, quelle connerie. Alors c'est sûr, le collègue qui va ouvrir l'option cinéma, il va avoir cartons pleins au début. Puis quand les élèves vont voir qu'il faut travailler aussi en cinéma, et que c'est pas ce qu'ils croyaient, eh ben ça va se réguler tout seul.
Le reste des programmes, je n'y touche pas pour l'instant, parce que je ne trouve pas qu'il y a trop de lettres, ni trop de maths.
En revanche je trouve qu'il y a un manque flagrant d'opportunités ouvertes dans certains bahuts. La seule option (quand il y en a une) étant souvent le latin, et on s'arrange pour prendre une personne qui n'en a jamais fait pour l'enseigner, pour être bien sûr de dégoûter les élèves, que ceux de l'année d'après ne le demandent pas, pour fermer l'option. Belle mentalité. Et donc offrir de vraies options partout, ça me semble déjà un premier pas vers plus d'égalité des chances. Parce que le lycée de notables avec son chinois, son russe, ses trois classes européennes allemand anglais espagnol, son bachibac, son habibac, ses voyages toutes les 3 semaines, son théâtre (je peux continuer, et non je ne caricature pas) VS le lycée de la zone d'urbanisation prioritaire, avec la dernière option qui vient de fermer parce que le prof d'option est parti à la retraite (je ne caricature toujours pas), ça commence à bien aller 5 minutes. Des vraies options pour tous, bordel de merde. Et à ce titre, je ne vois pas de bonne raison de mettre les SHS plus haut que le latin : si j'étais parent d'un môme au secondaire, je voudrais que mes enfants aient les deux, pas plus l'un que l'autre.